Toujours plus demandé, le cuivre devient un moyen de pression géopolitique

A copper mine in Montana. Photo: James St. John, CC BY 2.0.
A copper mine in Montana. Photo: James St. John, CC BY 2.0.

Les prix du cuivre ont grimpé en flèche cette semaine, lorsque Donald Trump a annoncé son intention d’imposer des droits de douane à l’importation de 50 %. Officiellement, la décision n’a pas encore été mise en œuvre, mais l’annonce à elle seule a provoqué la panique sur le marché des métaux. Selon Ernest Mast, le CEO de l’entreprise minière canadienne Cygnus Metals, la menace du président américain reflète un problème plus profond. « Nous allons tout droit vers un déficit structurel », prévient-il.

Ernest MastDans un entretien accordé à Investment Officer, M. Mast nuance le point de vue selon lequel la spéculation est la principale cause de la flambée des prix. Selon le CEO de Cygnus Metals, une société minière basée à Toronto et cotée au Canada et en Australie, ce sont principalement les évolutions fondamentales qui font bouger le marché : « Cela fait des années que l’on prédit un futur déficit structurel. Au fil du temps, cette prédiction devient de plus en plus crédible. »

Les droits de douane américains sur le cuivre mettent la pression

L’annonce des droits de douane a provoqué une agitation considérable sur le Comex, le marché à terme du cuivre à New York, mais le London Metals Exchange, la référence mondiale pour le commerce du cuivre, est resté relativement calme. Cependant, l’impact plus large sur la politique douanière commence à peine à se faire sentir.

Selon M. Mast, les prélèvements prévus par États-Unis sont principalement préjudiciables à l’industrie américaine : « Les secteurs manufacturiers et de la construction aux États-Unis seront plus durement touchés que les autres. Quelques projets nationaux dans le domaine du cuivre et quelques transformateurs de ferraille en bénéficient, et il est possible que cela contribue à relancer des projets à l’arrêt. Mais la plupart de ces projets ont été bloqués non pas à cause de l’économie, mais la résistance sociale et des procédures environnementales. De meilleurs rendements suffiront à les faire aboutir ? Ce n’est pas certain. »

Les États-Unis importent près de la moitié de leur cuivre, le Canada étant leur principal fournisseur. Cette relation pourrait maintenant être mise à rude épreuve. « Glencore possède une grande raffinerie de cuivre à Montréal. Les ventes de cathodes aux États-Unis pourraient en souffrir », affirme M. Mast.

Si le Canada exporte peu de concentrés de cuivre vers les États-Unis, en raison de l’absence de fonderies spécialisées, la situation rappelle les précédents droits de douane sur l’aluminium. « Pour le Canada, les taxes sur l’aluminium ont probablement plus d’impact, explique M. Mast. Il y a de grandes fonderies au Québec et en Colombie-Britannique qui ont maintenant du mal à être compétitives. »

Le cuivre reste un indicateur de l’économie

Pour les économistes, le cuivre, « Dr Copper » a prouvé à maintes reprises sa valeur en tant qu’indicateur de la croissance économique. Selon M. Mast, « c’est toujours un bon indicateur de la construction et de l’activité industrielle », même s’ il met en garde contre le fossé qui se creuse entre la politique et les forces du marché. Pour lui, le véritable problème réside dans le manque de réactivité de l’offre.

« Si la demande augmente soudainement, l’offre ne pourra pas suivre. Nous subirons alors une hausse des prix », explique-t-il. « Tout dépend du cours. Si ce dernier progresse, il y a de la marge pour de nouveaux projets et les mines peuvent se développer. Mais si le prix reste bas ou si les obstacles politiques persistent, la pénurie est probable. »

Cet avertissement trouve également un écho auprès des banques. ING a souligné cette semaine que les réserves américaines de cuivre au Comex sont désormais plus importantes que celles de Londres et de Shanghai réunies. Selon les analystes, cette situation est due à des achats de panique avant l’entrée en vigueur des taxes. Une fois ces stocks réduits, les prix pourraient se redresser globalement, même si un déficit structurel subsiste.

Qu’est-ce qui freine le développement de l’offre ? Selon M. Mast, les obstacles sont divers : « des processus d’obtention de permis longs, des procédures judiciaires engagées par des groupes d’intérêt et une résistance sociale dans de nombreuses régions. »
Alors que les pays occidentaux luttent pour obtenir des permis et subissent la pression des groupes environnementaux, la Chine a fait des progrès majeurs dans le traitement du cuivre. « La Chine n’a pas nécessairement besoin de se développer à court terme », explique M. Mast, « mais le problème est que l’Occident ne dispose pas d’une capacité suffisante pour raffiner le cuivre. Si la Chine restreint les exportations, comme elle l’a fait précédemment pour les terres rares, cela pose un risque. »

Lenteur des procédures et avance de la Chine

Qu’est-ce qui freine le développement de l’offre ? Selon M. Mast, les obstacles sont divers : « des processus d’obtention de permis longs, des procédures judiciaires engagées par des groupes d’intérêt et une résistance sociale dans de nombreuses régions. »

Alors que les pays occidentaux luttent pour obtenir des permis et subissent la pression des groupes environnementaux, la Chine a fait des progrès majeurs dans le traitement du cuivre. « La Chine n’a pas nécessairement besoin de se développer à court terme », explique M. Mast, « mais le problème est que l’Occident ne dispose pas d’une capacité suffisante pour raffiner le cuivre. Si la Chine restreint les exportations, comme elle l’a fait précédemment pour les terres rares, cela pose un risque. »

L’importance stratégique du cuivre augmente

M. Mast travaille dans le secteur minier depuis plus de 30 ans et constate deux tournants historiques sur le marché mondial du cuivre. Le premier a eu lieu au début des années 2000, lorsque l’industrialisation de la Chine a triplé les prix du cuivre et déclenché un boom des investissements au Chili et au Pérou. « Dans le même temps, la Chine renforçait sa capacité de raffinage, de sorte qu’il n’y avait pas de goulots d’étranglement au niveau de la transformation. »

Le deuxième tournant semble maintenant se dessiner. « Si les prévisions concernant les voitures électriques, les centres de données et les énergies renouvelables se réalisent, nous finirons par connaître une pénurie structurelle », affirme M. Mast.

La demande de cuivre pourrait doubler d’ici 2035. Cela accroît également l’importance géopolitique du métal. « Si le cuivre devient un levier géopolitique comme les terres rares, sa disponibilité et son prix deviendront imprévisibles. »

Pourtant, M. Mast ne voit pas d’alternative viable au cuivre. « Il reste le meilleur métal pour ce type d’application, tant en termes de prix que de propriétés physiques. Ce n’est que dans les applications hautement spécialisées où des coûts élevés sont acceptés que je vois une place pour des matériaux de substitution. »

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