Pinsent Masons: mise en application de la directive AIFMD 2.0 au Luxembourg et aux Pays-Bas

Jan en Lous
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La législation visant à renforcer le cadre réglementaire des fonds d’investissement alternatifs et des OPCVM, proposée par le Luxembourg en octobre, a pour objectif d’offrir une plus grande flexibilité et clarté. Pendant ce temps, les Pays-Bas travaillent sur la mise en œuvre de la directive AIFMD II.

Le 3 octobre 2025, le Luxembourg a soumis au Parlement le projet de loi n° 8628 visant à transposer la directive (UE) 2024/927, également connue sous le nom de AIFMD II (Directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs II) et UCITS 6. Ce texte législatif a pour objectif de renforcer le cadre réglementaire applicable aux fonds d’investissement alternatifs (FIA) et aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

Luxembourg : dernière ligne droite du processus de transposition législative

Le projet de loi introduit des assouplissements supplémentaires ainsi que des précisions dans le commentaire explicatif, portant notamment sur les éléments suivants :

  • ⦁    les exigences en matière de substance,
    ⦁    les modalités de délégation,
    ⦁    les mécanismes d’octroi de prêts,
    ⦁    les activités accessoires,
    ⦁    ainsi que les définitions fondamentales pour le bon fonctionnement des fonds.

Le projet de loi s’aligne sur le cadre européen applicable à l’octroi de prêts par les FIA, renforçant ainsi la sécurité juridique. Il introduit des restrictions en matière de crédit à la consommation, interdisant aux FIA d’octroyer ou de gérer des prêts à des consommateurs au Luxembourg.

Désormais, les FIA et les OPCVM sont autorisés à utiliser des outils supplémentaires de gestion de la liquidité, au-delà de ceux prévus par la directive AIFMD II.

Le texte renforce également la transparence en matière de délégation, en particulier lorsque les fonctions sont externalisées en dehors de l’Union européenne. Il introduit de nouvelles obligations de notification et clarifie les attentes des autorités de supervision. 

Une nouvelle exemption introduite à l’article 26 de la loi sur les OPC supprime l’obligation de fournir un rapport d’un réviseur indépendant lors de l’émission de parts en contrepartie d’apports en nature, à condition que le traitement équitable des porteurs de parts soit garanti. Cette mesure vise à renforcer la compétitivité du Luxembourg, notamment pour les OPCVM et les ETF.

Dans le cadre du régime révisé, les gestionnaires de fonds alternatifs (AIFMs) et les sociétés de gestion d’OPCVM (ManCos) sont désormais autorisés à proposer une gamme élargie de services, tels que :

⦁    La gestion de crédits (credit servicing)
⦁    L’administration d’indices de référence (benchmark administration)
⦁    Des services en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (AML), de gestion corporate, informatique et ressources humaines pour des tiers, sous réserve de la mise en place de garanties adéquates en matière de conflits d’intérêts.

Ce projet de loi, qui transpose la directive AIFMD II dans le droit luxembourgeois, est actuellement soumis au processus législatif et pourrait donc évoluer. Quoi qu’il en soit, le Luxembourg doit finaliser cette transposition d’ici le 16 avril 2026.

Les Pays-Bas s’attellent à la mise en œuvre de la directive AIFMD II

Le 7 octobre 2025, légèrement plus tard qu’au Luxembourg, le ministre néerlandais des Finances a présenté au Parlement néerlandais le projet de loi relatif à la mise en œuvre de la directive AIFMD II. Bien que certaines options laissées aux États membres soient intégrées (voir ci-dessous), le législateur néerlandais a, de manière générale, choisi de ne pas recourir à la possibilité de « surtransposition » pour renforcer les exigences aux Pays-Bas par rapport aux autres États membres de l’Union européenne — contrairement à ce qui a pu être observé lors de la transposition d’autres directives européennes. Nous estimons que, dans l’ensemble, il s’agit d’une bonne nouvelle pour le marché néerlandais des fonds réglementés.

Les Pays-Bas ont l’intention de faire usage des trois options laissées aux États membres dans le cadre de la directive AIFMD II, comme indiqué ci-dessus. Par ailleurs, les fonds pourront accorder des crédits aux consommateurs, mais cette activité sera encadrée par les dispositions existantes en matière de crédit à la consommation prévues dans la loi néerlandaise sur la supervision financière. Les États membres de l’Union européenne peuvent autoriser l’autorité de supervision compétente à accepter, à la demande d’un gestionnaire de fonds d’investissement, la désignation d’un dépositaire dont le siège social se situe dans un autre État membre que celui du gestionnaire (État membre d’origine). Cette option est retenue afin de préserver la possibilité d’y recourir à l’avenir, dans l’éventualité où il n’existerait plus aux Pays-Bas de dépositaires capables de répondre efficacement aux besoins d’un fonds d’investissement donné, en tenant compte de sa stratégie d’investissement spécifique.

Ce que le législateur néerlandais n’a pas (encore) mis en œuvre, c’est le suivi du considérant 9 de la directive AIFMD II, qui vise à encourager les ManCos proposant des droits de participation à des investisseurs de détail (c’est-à-dire tout investisseur non professionnel, y compris ceux investissant pour un minimum de 100 000 euros) à nommer au moins un administrateur indépendant ou non exécutif. Certaines sociétés de gestion néerlandaises ont interprété cette disposition comme une obligation potentielle d’instaurer, dans le cadre d’un conseil d’administration à deux niveaux, un conseil de surveillance. Il semble que le législateur néerlandais préfère attendre l’examen approfondi de cette question par la Commission européenne avant d’agir.

Conclusion

Quoi qu’il en soit, le Luxembourg comme les Pays-Bas ont pris les mesures nécessaires pour mettre en œuvre la directive AIFMD II. À ce stade, tout porte à croire que l’intégration dans le droit national pourra être réalisée dans les délais impartis. Il est fortement recommandé aux ManCos de commencer dès à présent à examiner leurs structures, en particulier celles impliquant l’octroi de prêts ou des modèles complexes de délégation, afin de se préparer à se conformer au nouveau cadre juridique.

Jan Saalfrank est partenaire responsable des fonds d’investissement chez Pinsent Masons Luxembourg. Lous Vervuurt est avocate chez Pinsent Masons et conseille les clients sur la réglementation financière et l’application des lois anti-blanchiment. Le cabinet fait partie du Panel d’experts d’Investment Officer.